Pourquoi parle-t-on autant du CO2 ? Décryptage en 8 points


1. Pourquoi parle-t-on autant du CO₂ ?
On entend souvent parler du CO₂, mais c’est quoi réellement ? En bref, le dioxyde de carbone (CO₂) est un gaz naturel qui joue un rôle crucial dans le cycle du carbone, élément vital pour maintenir la vie sur Terre. Il fait partie de l’air que nous respirons et sans lui, la vie telle que nous la connaissons ne serait pas possible. Cependant, depuis l’ère industrielle, nous avons énormément augmenté la quantité de CO₂ dans l’atmosphère, principalement en brûlant des énergies fossiles comme le charbon, le pétrole et le gaz, ainsi qu’en modifiant notre environnement naturel, par exemple en déforestant.
Même si la Terre dispose de mécanismes naturels et très ingénieux pour absorber une partie de ce CO₂, comme avec les forêts et les océans, appelés les « puits de carbone », aujourd’hui, ces puits ne suffisent plus à compenser les quantités massives que nous émettons. Le surplus de CO₂ intensifie l’effet de serre, un processus qui maintient la chaleur sur Terre. Or, en excès, cet effet de serre provoque des déséquilibres climatiques, notamment le réchauffement climatique, qui se manifeste par la fonte des glaciers, la perturbation des écosystèmes terrestres et marins et la disparition de certaines espèces. (1)
2. Les émissions de CO₂ par type de transport

Pour un trajet de 1’000 km, le choix du moyen de transport a un impact majeur sur les émissions de CO₂. En Suisse et en France, où l’électricité est produite majoritairement à partir de sources faibles en carbone, prendre le train, notamment le TGV, est l’option la plus écologique. En revanche, dans des pays comme l’Allemagne ou la Pologne, où l’électricité est en partie issue de centrales à charbon et certaines lignes ne sont pas électrifiées, les autocars peuvent parfois avoir un impact moindre que les trains. (2)
À première vue, selon le graphique, la voiture semble plus nuisible que l’avion en termes d’émissions de CO₂ par passager pour 1’000 km. On entend souvent qu’un avion consomme environ 3L par passager pour 100 kilomètres alors que la voiture dépasse rarement les 5L au 100. On pourrait donc penser que l’avion est plus économe, mais est-ce vraiment le cas ?
3. Pourquoi l’avion est-il si nuisible ?
L’article de Carbone4 « Les idées reçues sur l’aviation et le climat » nous a permis de comprendre un peu plus pourquoi l’avion est nuisible, au-délà de ses émissions de CO₂. (3)
Premièrement, l’aviation contribue fortement au réchauffement climatique, non seulement à cause du CO₂, mais aussi à travers d’autres effets dits « hors CO₂ ». En plus du dioxyde de carbone (CO₂), les avions émettent des oxydes d’azote (NOₓ) et de la vapeur d’eau, qui est un gaz à effet de serre (GES). Il faut imaginer que ces effets réagissent dans l’atmosphère et augmentent la teneur en ozone (O3), dans la stratosphère. A haute altitude, ces émissions de vapeur d’eau et de particules de soufre (présentes dans le carburant) entraînent la formation de traînées de condensation. Ces traînées, en réfléchissant et piégeant la chaleur, amplifient le réchauffement climatique.
Ce qui rend ces émissions encore plus problématiques, c’est qu’à des milliers de mètres dans l’atmosphère, elles ont un effet bien plus nocif que celles libérées au sol. A cette altitude, les gaz et particules restent plus longtemps et ont un impact plus direct sur le climat. En fait, les études récentes montrent que les effets non liés au CO₂, comme les traînées de condensation et les NOₓ, pourraient tripler l’impact climatique des avions.

Alors si on compare avec les gaz hors CO2 et avec le réel taux de remplissage des modes de transports, ça dit quoi ?
La consommation de carburant ne suffit pas à évaluer l’empreinte carbone d’un mode de transport. Si l’on inclut les émissions hors CO₂, l’avion émet environ 260 gCO₂e par passager et par kilomètre, contre 196 gCO₂e pour une voiture avec un seul passager. Et pour encore être plus précis, on sait que sur les trajets longs, le taux de passagers par véhicule est de 2,2 personnes. Cela signifie que voyager à plusieurs en voiture réduit considérablement ton impact carbone.
Par ailleurs, les calculs pour les transports collectifs, comme l’avion, intègrent déjà des taux de remplissages moyens (par ex. 30 personnes pour un autocar, 10 pour un bus thermique, 101-220 passagers pour avion court courrier, etc…)
Pour aller plus loin et calculer l’impact carbone des différents moyens de transport, tu peux utiliser l’outil en ligne ImpactCO₂, qui détaille la méthodologie derrière chaque calcul : impactco2
4. L’impact des infrastructures de transport
L’autre argument souvent discuté, surtout quand on parle du train, c’est l’impact des infrastructures. Ici, on parle de l’énergie grise liée à la construction des transports, des aéroports, des rails etc…
Certes, cette dimension est importante, mais elle prend tout son sens sur le long terme, lorsque de nouvelles infrastructures sont construites. À court terme, qu’il s’agisse des rails ou des aéroports, ces structures ne vont pas disparaître avant ton prochain voyage. Même en tenant compte de cet aspect, l’empreinte carbone du transport aérien reste la plus élevée.
Le constat : quand on prend tout en compte, l’avion perd haut la main.

5. Les nouveaux avions vont-ils améliorer la situation ?
Depuis 1990, les compagnies aériennes cherchent à réduire leur consommation de carburant, en partie à cause de la hausse du prix du kérosène. Les avancées technologiques, comme l’automatisation des avions, ont aussi contribué à cette efficacité grâce à des techniques comme l’éco-pilotage et la réduction du poids à bord. Ces efforts ont permis de diviser par plus de 2 la consommation de carburant par passager et par kilomètre entre 1990 et 2018.
Les avions, il faut le dire, restent des prouesses technologiques impressionnantes, cependant, malgré ces progrès, comme le trafic a été intensifié par 4,6 sur la même période, les émissions totales ont plus que doublé. Ce genre de phénomène s’appelle “l’effet rebond”. En économisant du carburant, les coûts des vols baissent, donc on vole plus. En plus, le secteur aérien bénéficie d’avantages fiscaux, comme l’exonération des taxes sur le kérosène et l’absence de TVA, sans compter les subventions publiques pour les infrastructures aéroportuaires, ce qui maintient les prix bas.
6. Le transport aérien : un privilège pour l’élite
Le transport aérien est également révélateur d’une profonde inégalité climatique. Environ 80 % de la population mondiale n’a jamais pris l’avion, alors que le 1 % des plus riches génère près de la moitié des émissions du secteur aérien. Cette inégalité souligne que l’avion reste un privilège, souvent réservé aux plus aisés, tout en ayant un impact disproportionné sur le climat.

7. Quelles solutions pour un accès équitable au transport aérien ?
- La Frequent Flyer Tax : Cette taxe progressive augmenterait à chaque vol supplémentaire d’un même individu sur une période donnée. Cette approche vise à faire payer davantage ceux qui prennent l’avion fréquemment, souvent des élites aisées responsables d’une part importante des émissions.
- Les quotas de vols : Ces quotas limiteraient le nombre de kilomètres parcourus ou de vols effectués par une personne sur plusieurs années. Cette mesure vise à garantir un accès égal à l’aviation pour tous les citoyens, indépendamment de leur situation financière, tout en limitant l’impact environnemental
8. Changement d’habitude ou attendre le kérosène vert ?
Au délà des améliorations techniques, c’est un changement dans notre perception du voyage : prendre l’avion pour traverser des continents en quelques heures est devenu un geste normalisé, presque banal. Le problème avec l’aviation, c’est la possibilité de couvrir des distances gigantesques, qui étaient impensables avant. On est incités à partir toujours plus loin et à plusieurs reprises. Au final, ce n’est pas tant une question d’infrastructures ou encore de kérosène vert, mais plutôt du choix de la destination. C’est la distance qui fait exploser notre budget carbone.
Il est évident que, pour réduire l’impact climatique du transport aérien, diminuer voire arrêter de prendre l’avion est donc la solution. Même si, voyager en avion c’est simple, c’est rapide, et surtout quand c’est le prix d’une parmigiana. En Suisse, près des trois quarts des vols sont liés aux loisirs et aux voyages personnels, rien de vraiment vital. Alors, pourquoi ne pas privilégier des modes de transport moins polluants, comme le train ou l’autocar, pour nos petites escapades ? Surtout en Suisse, on n’a pas d’excuses, on est en plein coeur de l’Europe, c’est plus facile qu’on ne le croit!
Contrairement à la voiture, l’avion n’est pas électrifiable, du moins pas pour une exploitation de masse. Le kérosène vert, produit à base d’eau et de CO₂ au moyen d’énergies renouvelables, n’est pas pour tout de suite non plus.
Alors même si les avions deviennent plus écologiques et plus efficaces, la solution à court terme reste la réduction du nombre de vols. Si vraiment, tu ne peux pas éviter l’avion, choisis la classe économique (pour maximiser le nombre de passagers), voyage léger pour réduire la consommation de carburant, et prends des vols directs, vu que ce sont les décollages et les atterissages qui génèrent le plus de gaz à effet de serre.